« Système zoophage » (2)

Deux semaines après les actions de militants antispécistes devant les boucheries, je découvre l’existence du collectif L113 via cet article du Télégramme qui revient sur le témoignage largement relayé par la presse régionale fin septembre d’un membre de l’Observatoire du loup qui aurait observé un de ces animaux début septembre dans le secteur du lac de Guerlédan (lire par exemple Le Télégramme du 23 septembre).

L’insertion dans l’article de cette vidéo (âmes sensibles, s’abstenir) émanant du collectif L113 vient étayer les explications du journaliste qui précise que

«ce mouvement [L113] essentiellement composé d’éleveurs ovins, ainsi que de quelques élus ruraux, a décidé de reprendre les méthodes de communication d’associations antispécistes type L214 à son compte. Le but : sensibiliser la population aux dangers représentés par les loups».

Les deux mouvements tirent leur nom d’un article du Code rural :

  • l’article L214 qui dit que «tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce» pour l’association végane et antispéciste,
  • l’article L113 qui dit que «par leur contribution à la production, à l’emploi, à l’entretien des sols, à la protection des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité, l’agriculture, le pastoralisme et la forêt de montagne sont reconnus d’intérêt général comme activités de base de la vie montagnarde et comme gestionnaires centraux de l’espace montagnard» pour l’association contre la «surprotection» des loups (selon ses propres termes).

Je ne vais pas me lancer dans une analyse détaillée des arguments de L113 que je viens juste de découvrir. Ce pourrait être le sujet d’un autre billet. J’observe seulement que le collectif, dans cette vidéo qui date de plusieurs mois, accusait Nicolas Hulot de «participer au massacre des animaux d’élevage, pousser les éleveurs à la désespérance, signer la disparition du pastoralisme et de la biodiversité». J’observe aussi que le collectif reprend non seulement le mode de communication de L214 et d’autres, basé sur la diffusion d’images destinées à heurter la sensibilité du public, mais qu’il reprend aussi (habilement?) l’argument utilitariste des antispécistes héritiers de Bentham (via notamment Peter Singer) : œuvrer à diminuer la souffrance (L113 affirme que les prédations par le loup «entraînent une souffrance animale» dont les protecteurs du canidé, selon ce collectif, se rendraient donc complices). On peut y voir une convergence volontaire ou involontaire (cela resterait à déterminer) avec les thèses de certains continuateurs de Singer, tels qu’Eze Paez, que je citait dans mon précédent billet (thèses qui affirment qu’il faut, dans la mesure du possible, intervenir non seulement dans les élevages – ou contre les élevages – mais aussi dans la nature pour augmenter partout le «bien être positif net»). Ce qui est clair, c’est que les loups sont des animaux zoophages et qu’ils ne risquent guère d’être réceptifs aux éventuelles leçons de morale que l’on pourrait leur donner pour les inviter à sortir de ce «système» alimentaire (à moins bien sûr qu’un nouveau François d’Assise ne réussisse ce que le poverello avait réussi, selon les Fioretti, chap. 21, avec le loup de Gubbio). Pour dire les choses autrement: s’il est une philosophie qui présente des faiblesses, à mon avis, c’est bien l’utilitarisme.

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