Ci-dessous le texte de présentation d’un conférence sur le thème « la nuit, un temps particulier ? » à Rennes en septembre :
Période d’obscurité symbolisée par le couvre-feu, l’arrêt de toute activité et la fermeture des portes de la cité, la nuit fut longtemps considérée comme le temps du repos social. Progressivement pourtant, grâce aux progrès de la lumière et de la sécurité, les activités humaines s’y sont déployées pour recomposer un nouvel espace de travail et de loisirs.
Depuis quelques années, la conquête s’accélère. S’émancipant des contraintes naturelles, nos métropoles s’animent sous l’influence des modes de vie de plus en plus désynchronisés, de la réduction du temps de travail et des nouvelles technologies d’éclairage et de communication. La pression s’accentue sur la nuit qui cristallise les besoins et les tensions d’une société en pleine mutation. La nuit, dernière frontière, est peu à peu colonisée par l’économie : industrie en continu, médias et sociétés de service 24h/24.
Chercheurs, pouvoirs publics et citoyens doivent investir la nuit pour imaginer ensemble les contours d’une nouvelle urbanité. On peut encore réver de nuits plus belles que nos jours.
Je ne peux m’empêcher de trouver dans cette présentation un écho de l’optimisme scientiste du XIXe siècle. Le vocabulaire utilisé, lui même, est daté et caractéristique. N’y oppose-t-on pas l’obscurité
au progrès
, symbolisé par la lumière
apportée par les nouvelles technologies d’éclairage et de communication
(sachant que de la lumière aux Lumières de l’Auflklärung, il n’y a sans doute qu’un pas) ? N’y oppose-t-on pas l’arrêt de toute activité
et la fermeture
(des portes) à la conquête
accélérée d’une dernière frontière
que l’économie colonise
, la nuit représentant la dernière contrainte naturelle
dont il s’agit de s’émanciper
?
Dans la perspective écologique du développement durable, la moindre des précautions consiste à prendre une certaine distance avec tel optimisme, pour poser la question des ressources énergétiques nécessaires à une telle conquête
sans oublier de s’interroger sur d’éventuels effets pervers
. Et l’on n’oubliera pas non plus qu’un mouvement se dessine à l’échelle internationale contre la pollution lumineuse
.