Dans l’épisode d’Andreï Roublev intitulé «le jugement dernier», le flash-back dans lequel Roublev se souvient du temps où il peignait pour le grand prince commence par une lecture de l’«hymne à l’amour» ou «hymne à la charité» de la première lettre aux Corinthiens (13) :
1. Если я говорю языками человеческими и ангельскими, а любви не имею, то я — медь звенящая или кимвал звучащий.
2. Если имею дар пророчества, и знаю все тайны, и имею всякое познание и всю веру, так что могу и горы переставлять, а не имею любви, — то я ничто.
3. И если я раздам все имение мое и отдам тело мое на сожжение, а любви не имею, нет мне в том никакой пользы.
4. Любовь долготерпит, милосердствует, любовь не завидует, любовь не превозносится, не гордится,
5. не бесчинствует, не ищет своего, не раздражается, не мыслит зла,
6. не радуется неправде, а сорадуется истине;
7. все покрывает, всему верит, всего надеется, все переносит.
8. Любовь никогда не перестает, хотя и пророчества прекратятся, и языки умолкнут, и знание упразднится.
9. Ибо мы отчасти знаем…
Louis Segond (ci-dessous) traduisait ἀγάπη par charité, comme le fait la Bible de Jérusalem. Mais la traduction synodale russe qu’utilise Tarkovski emploie le mot Любовь (amour) comme le fera la TOB et comme le fait la traduction en slavon d’Église (любы).
1. Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit.
2. Et quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien.
3. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien.
4. La charité est patiente, elle est pleine de bonté; la charité n’est point envieuse; la charité ne se vante point, elle ne s’enfle point d’orgueil,
5. elle ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s’irrite point, elle ne soupçonne point le mal,
6. elle ne se réjouit point de l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité;
7. elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout.
8. La charité ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra.
9. Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie…
Plus loin, ce n’est plus Andreï qui cite saint Paul, mais Sergueï, qui lit un passage des Écritures choisit au hasard, à la demande de Daniil. Il s’agit toujours de la première lettre aux Corinthiens, mais au chapitre 11 :
2. Хвалю вас, братия, что вы все мое помните и держите предания так, как я передал вам.
3. Хочу также, чтобы вы знали, что всякому мужу глава Христос, жене глава — муж, а Христу глава — Бог.
4. Всякий муж, молящийся или пророчествующий с покрытою головою, постыжает свою голову.
5. И всякая жена, молящаяся или пророчествующая с открытою головою, постыжает свою голову, ибо это то же, как если бы она была обритая.
6. Ибо если жена не хочет покрываться, то пусть и стрижется; а если жене стыдно быть остриженной или обритой, пусть покрывается.
7. Итак муж не должен покрывать голову, потому что он есть образ и слава Божия; а жена есть слава мужа.
8. Ибо не муж от жены, но жена от мужа;
9. и не муж создан для жены, но жена для мужа.
10. Посему жена и должна иметь на голове своей знак власти над нею, для Ангелов.
11. Впрочем ни муж без жены, ни жена без мужа, в Господе.
12. Ибо как жена от мужа, так и муж через жену; все же — от Бога.
13. Рассудите сами, прилично ли жене молиться Богу с непокрытою головою?
14. Не сама ли природа учит вас, что если муж растит волосы, то это бесчестье для него,
15. но если жена растит волосы, для нее это честь, так как волосы даны ей вместо покрывала?
2. Je vous loue de ce que vous vous souvenez de moi à tous égards, et de ce que vous retenez mes instructions telles que je vous les ai données.
3. Je veux cependant que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l’homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef de Christ.
4. Tout homme qui prie ou qui prophétise, la tête couverte, déshonore son chef.
5. Toute femme, au contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée, déshonore son chef: c’est comme si elle était rasée.
6. Car si une femme n’est pas voilée, qu’elle se coupe aussi les cheveux. Or, s’il est honteux pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou d’être rasée, qu’elle se voile.
7. L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme.
8. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l’homme;
9. et l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme a été créée à cause de l’homme.
10. C’est pourquoi la femme, à cause des anges, doit avoir sur la tête une marque de l’autorité dont elle dépend.
11. Toutefois, dans le Seigneur, la femme n’est point sans l’homme, ni l’homme sans la femme.
12. Car, de même que la femme a été tirée de l’homme, de même l’homme existe par la femme, et tout vient de Dieu.
13. Jugez-en vous-mêmes: est-il convenable qu’une femme prie Dieu sans être voilée?
14. La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c’est une honte pour l’homme de porter de longs cheveux,
15. mais que c’est une gloire pour la femme d’en porter, parce que la chevelure lui a été donnée comme voile?
Tarkovski a-t-il voulu souligner ce qui lui paraissait être une contradiction dans Paul1 ? «Quelle pécheresse est-elle, demande Andreï, même si elle ne porte pas de voile ?»
Toujours est-il que c’est pendant la lecture de ce passage qu’était entrée dans l’église l’«idiote» (дурочка/durotchka), sourde et muette. Ce qui permet aussi à Andreï de conclure en riant : «Vous l’avez trouvée, votre pécheresse !» .
Avant cela, lors d’une discussion avec Théophane Le Grec, Andreï lui avait dit que «c’est vrai, c’est l’usage que les femmes en Russie soient humiliées et malheureuses à l’extrême».