Glottophobie ?

Voici donc que la langue française s’est enrichie – depuis quelques années déjà – d’un néologisme supplémentaire, la glottophobie.

Ce ne serait pas un problème si la tendance à privilégier la dénonciation et l’indignation face à la énième discrimination débusquée ne se faisait pas au final au détriment du questionnement scientifique, qui devrait privilégier l’explication et la recherche des causes.

Car dans l’état actuel des choses, il est bien plus rentable d’inventer ainsi de nouvelles « phobies », de les dénoncer et de proposer des moyens de les combattre – pas de « phobie » sans loi ou proposition de loi censée l’interdire – que de construire par exemple, méthodiquement et laborieusement, une théorie de la syntaxe à partir de la clinique aphasique, une théorie de la langue à partir de la clinique des psychoses (la mieux à même d’aider à mettre à jour les processus qui rendent compte de l’altérité et de la convergence dans le domaine linguistique, comme dans celui de la technique ou des normes morales) ou une théorie du discours à partir de la clinique des névroses (dont les trop fameuses « phobies » qui trouvent là et là seulement leur registre d’explication).

PS. L’une de mes grands-mères avait connu l’époque où l’on risquait de se voir infliger le « symbole  » quand on était pris à parler breton à l’école. Il s’agissait d’une discrimination linguistique tout ce qu’il y a de plus délibéré : l’enseignement public comme privé se donnait pour tâche de franciser coûte que coûte, en décourageant l’usage de la langue bretonne. Il n’empêche que la dénonciation et l’indignation, tout comme le fait de parler désormais de « glottophobie » à propos de ce dont cette aïeule a été victime comme bien d’autres, ne me font pas avancer d’un iota, contrairement à la déconstruction clinique susmentionnée, dans l’analyse scientifique de « ce que parler veut dire ».

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