Howard Becker, dans presque tous les titres de presse qui annoncent son décès il y a deux jours (le 16 août), est présenté comme le sociologue ou le spécialiste de la déviance. Cela contient certainement une large part de vrai et c’est souvent aussi ce que retiennent les manuels de sociologie. Mais il n’est pas interdit d’aller au-delà des cours de première année. La déviance, sans doute. Mais quelle déviance ? Faute de pouvoir écrire dans l’immédiat un nouveau billet, je peux renvoyer à celui-ci qui posait déjà quelques questions.
Mais Becker était aussi musicien. En cherchant un peu, j’ai trouvé sur You Tube cette vidéo où on le voit au piano, lors de la convention nationale de l’American Sociological Association en août 2009 à San Francisco.
Dans Outsiders, on trouve l’extrait d’entretien suivant (p. 115) :
Becker: « Qu’est-ce que tu penses des gens pour lesquels tu joues, de ton public ?
Dave: Ce sont des casse-pieds.
Becker: Pourquoi dis-tu cela?
Dave: Eh bien! Si tu travailles dans un orchestre commercial ils aiment ça et tu dois jouer davantage de banalités. Si tu travailles dans un bon orchestre, et qu’ils aiment ça, c’est aussi emmerdant. Tu les détestes, de toute façon, parce que tu sais qu’ils n’y connaissent rien. Ce sont seulement des casse-pieds. »
En version originale (p. 90-91) :
Becker: How do you feel about the people you play for, the audience ?
Dave: They’re a drag.
Becker: Why do you say that?
Dave: Well, if you’re working on a commercial band, they like it and so you have to play more corn. If you’re working on a good band, then they don’t like it, and that’s a drag. If you’re working on a good band and they like it, then that’s a drag, too. You hate them anyway, because you know that they don’t know what it’s all about. They’re just a big drag.
Je ne sais pas ce que Becker et ses amis musiciens pensaient du public ce jour-là, mais si l’on excepte quelques applaudissements (6’12), on entend surtout un fort bruit de conversations. Des « casse-pieds », pour lesquels le jazz n’est qu’une musique d’ambiance, à laquelle on prête à peine attention ? La résolution de rentrée universitaire pourrait être de prêter plus d’attention au musicien Howard Becker.