Citations estivales (1) : Aron, Galbraith et Brown

L’été est le meilleur moment pour écrire (publish or perish !) et lire en prévision de la prochaine rentrée universitaire. Ce blog se met lui aussi à l’heure d’été avec un programme de citations des meilleurs auteurs.

On commencera aujourd’hui avec Raymond Aron :

L’homme est dans l’histoire ; l’homme est historique ; l’homme est histoire. (Raymond Aron, Le spectateur engagé. Entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique Wolton.)

Et puis John Kenneth Galbraith :

Je suis un conservateur et, comme tel, disposé à trouver des antidotes aux tendances suicidaires du système économique – disposition qui, par une inversion de langage souvent constatée, vous vaut la réputation d’être de gauche. Une de ces tendances nocives est l’orgie spéculative : elle ne sert aucun but utile et détourne les motivations financières de fins habituellement utiles vers celles qui sont profondément préjudiciables. La Grande Crise de 1929 restreignit la demande en marchandises, détruisit, pendant un temps le mécanisme normal en matière d’emprunt et d’investissement, contribua à freiner la croissance économique, causa beaucoup de malheur et, inutile de le dire, rendit d’innombrables milliers de personnes hostiles au système économique. Les causes de la catastrophe se trouvaient toutes dans l’orgie spéculative qui l’avait précédée. De tels épisodes spéculatifs se sont produits par intervalles, tout au long de l’histoire et la durée de l’intervalle est peut-être en rapport avec le temps qu’il faut aux hommes pour oublier ce qui s’est passé auparavant. La tâche de l’historien est d’en conserver le vivant souvenir. (J. K. Galbraith, La crise économique de 1929. Anatomie d’une catastrophe financière.

Et puis le même, un peu plus loin :

Personne n’était responsable de la grande catastrophe de Wall Street. Personne n’a manigancé la spéculation qui l’a précédée. Toutes deux furent le produit du choix et de la décision libres de centaines de milliers d’individus. Ces derniers ne furent pas conduits à l’abattoir. Ils y furent poussés par la démence latente qui a toujours saisi les gens qui sont saisis à leur tour par l’idée qu’ils peuvent devenir très riches.

Bernanke, Paulson et la SEC, qui s’efforcent en ce moment de sauver Fannie et Freddie, et, avec eux, l’ensemble du système financier américain, n’ont certainement plus le temps de méditer Galbraith.

Et pour finir, le spécialiste irlandais de l’antiquité tardive, longtemps enseignant à Oxford, Peter Brown :

Aucun historien ne s’était présenté pour informer Augustin que les âges sombres étaient sur le point de commencer. Il n’avait pas conscience, ou tout simplement n’y songeait pas, que des changements dramatiques et irrévocables allaient frapper le monde auquel il était accoutumé. D’après tout ce qu’il savait, la société romaine et la culture romaine continueraient d’exister. Durant la dernière période de sa vie, il ne doutait pas que dans les années futures, Cicéron serait toujours appris par cœur par de petits enfants, et que l’armure étincelante de la rhétorique romaine serait toujours disponible : pour que certains, comme il s’était efforcé de le faire lui-même sa vie durant, s’en servent suprêmement bien, tandis que d’autres à ses yeux le faisaient « comme des déments en armes ». (Peter Brown, La vie de saint Augustin).

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