I’d come home about five A. M. after working all night in a club, gone right to bed and to sleep. Sometime later I heard a sound like motorboats revving up outside. I jumped out of bed and ran to the window. It was seven in the morning and all up and down the block my neighbors were tuning up their power mowers. (Alan King, Anybody Who Owns His Own Home Deserves It, 1962 , cité par Ted Steinberg).
Le printemps en Bretagne, écrivait Chateaubriand, plus doux et plus précoce qu’aux environs de Paris, était annoncé par cinq oiseaux : hirondelle, loriot, coucou, caille et rossignol (voir ici). Mais ça c’était il y a longtemps, avant la Grande Accélération de l’Anthropocène, à partir du milieu du XXe siècle. Car ce qui annonce le plus sûrement le printemps désormais, comme dans n’importe quelle banlieue (suburb) états-unienne, c’est moins l’hirondelle que le redémarrage des tondeuses à gazon, après une pause hivernale de deux à trois mois. On pourrait presque résumer les sept dernières décennies de l’histoire de la Bretagne occidentale en disant que le bruit des tondeuses y a remplacé la musique de la langue bretonne. Ce serait un peu réducteur bien sûr, mais cela contiendrait une part de vrai. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale en effet, la langue bretonne est encore partout présente. Ce n’était déjà plus la situation d’avant 1914, quand une part importante de la population rurale ne parlait que le breton. Mais l’effondrement linguistique, indissociable de la « modernisation » – le terme est important -, n’avait pas encore eu lieu. Aujourd’hui, il est devenu exceptionnel, en dehors de quelques lieux militants, d’entendre parler breton. Impossible en revanche, entre février et octobre, de ne pas entendre à de nombreuses reprises la pétarade des engins de jardin, que ce soit entre les mains des particuliers ou celles des professionnels du poussage de tondeuse, artisans, auto-entrepreneurs ou agents des services techniques des collectivités (on hésite dans tous ces cas à parler de « jardiniers », le poussage de tondeuse ne nécessitant guère de connaissance des végétaux, du sol et de leur écologie). Continuer la lecture