Au chapitre sur les langues (russe et ukrainien) de son livre Jamais frères ? (clic), Anna Colin Lebedev explique que la russification constatée en Ukraine soviétique dans les années 1950-1980 peut s’expliquer en bonne partie par le choix des familles elles-mêmes :
« Le russe était la langue de l’État, celle de la carrière prometteuse, la langue de l’universalité contre le repli et le local que pouvait représenter l’ukrainien. […] Alors qu’en 1958 la loi a laissé la possibilité aux parents du choix de la langue d’enseignement de leur enfant, le russe a été souvent préféré, même dans les familles ukrainophones, car il donnait de meilleurs perspectives d’avenir ».
Il y a là une analogie manifeste avec ce qui s’est passé en Bretagne après 1945, quand les parents ont cessé de transmettre la langue bretonne à leurs enfants. Quiconque connaît la littérature sur le sujet (ainsi les travaux de Fañch Broudic, pour ne citer que lui) ne peut qu’être frappé par l’analogie, à tel point que l’on pourrait rendre compte du déclin massif du breton en remplaçant dans la citation ci-dessus les mots «russe», «ukrainien» et «ukrainophones» par les mots «français», «breton» et «brittophones». Comme l’ukrainien en URSS, le breton en France apparaissait comme la langue du local tandis que la maîtrise du français donnait des perspectives d’avenir. L’analogie, pour autant, n’est pas totale et une comparaison approfondie entre les deux situations devrait, bien entendu, tenir compte de nombreuses différences (nombre de locuteurs concernés, contexte politique, etc.). Continuer la lecture →